Francisco de Goya y Lucientes (Fuentetodos, 1746 - Bordeaux, 1828) Goya est peut-?tre le peintre le plus accessible entre tous. Son art, comme sa vie, est un livre ouvert. Il ne cachait rien de ses contemporains, et leur offrait son art avec la m?me franchise. L'entr?e dans son monde n'est pas barricad?e de difficult?s techniques. Il prouva que si un homme a la capacit? de vivre et de multiplier ses exp?riences, de se battre et de travailler, il peut produire un grand art sans besoin de recourir au d?corum classique, ni ? la d?cence traditionnelle. Il naquit en 1746, ? Fuendetodos, un petit village de montagne d'une centaine d'habitants. Enfant, il travailla dans les hamps avec ses deux fr?res et sa soeur, jusqu'au moment o? son talent pour le dessin mit fin ? sa mis?re. A 14 ans, soutenu par un riche bienfaiteur, il partit pour Saragosse, afin d'?tudier aupr?s d'un peintre de cour, et plus tard, ? l'?ge de dix-neuf ans, pour Madrid. Jusqu'? son trente-septi?me anniversaire, si l'on omet des dessins de tapisserie d'une qualit? d?corative m?connue et cinq petits tableaux, Goya ne peignit rien de significatif. En revanche, une fois qu'il eut domin? ses ?nergies r?calcitrantes, il produisit des chefs - d'oeuvre avec la v?locit? d'un Rubens. Sa nomination ? la cour fut suivie d'une d?cennie d'activit? incessante - des ann?es de peinture et de scandales - entrecoup?e de p?riodes de maladie. Les esquisses de Goya d?montrent une ma?trise du dessin de premier ordre. En peinture, il est, comme Vel?zquez, plus ou moins tributaire de son mod?le, mais non pas ? la mani?re d?tach?e de l'expert en nature morte. Si une femme est laide, il fait sienne son indigne laideur ; si elle est s?duisante, il met en sc?ne son charme. Il pr?f?re terminer ses portraits en une seule s?ance de pose et ?tre un tyran pour ses mod?les. Comme Vel?zquez, il se concentre sur les visages, mais il dessine ses t?tes avec astuce, et les construit gr?ce ? des tons de gris transparents. Des formes monstrueuses habitent son univers en noir et blanc : ce sont ses productions les plus profond?ment r?fl?chies. Ses figures fantastiques, comme il les appelle, nous remplissent d'un sentiment de joie ignoble, exacerbent nos instincts d?moniaques, et nous transportent dans des d?lires de destruction peu charitables. Son g?nie atteint des sommets dans ses dessins des horreurs de la guerre. Plac?e ? c?t?s des oeuvres de Goya, n'importe quelle autre image de guerre fait figure d'?tude sentimentale de la cruaut?. Il ?vite les actions ?parpill?es sur le champ de bataille et se confine dans des sc?nes de boucherie isol?es. Nulle part il n'a obtenu une telle ma?trise de la forme et du mouvement, des gestes aussi dramatiques et des effets d'ombre et de lumi?re aussi ahurissants. Goya a r?nov? et innov? dans toutes les directions.